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Un chantier d’une ampleur extraordinaire

 

A la fin de l’année 2021, Geomines a été choisie pour effectuer le diagnostic de pollution pyrotechnique et la dépollution pyrotechnique sur le territoire de la commune d’Ablaincourt-Pressoir. Le promoteur Stonehedge doit en effet réaliser des travaux de terrassement afin de construire une plateforme logistique sur un terrain de 220 000 m².

Ablaincourt est un territoire particulièrement marqué par les stigmates de la Première Guerre mondiale. Dès 1914, la bataille de la Marne touche en partie les territoires environnants. Puis, c’est durant la bataille de la Somme, en 1916, qu’Ablaincourt se retrouve au cœur du conflit mondial. Aux batteries d’artilleries et autres blockhaus qui occupent le territoire répondent de nombreux combats entre soldats français, britannique et allemands aux abords de la ville, favorisant la présence des restes explosifs de guerre (REG).

Pour éviter tout danger pour les équipes des chantiers de construction, l’entreprise a fait le choix de recourir à l’expérience de Geomines pour réaliser la sécurisation pyrotechnique de la zone concernée au début de l’année 2022.

Afin de réaliser le diagnostic de pollution pyrotechnique et la dépollution de la zone, les équipes de Geomines ont dû déployer des méthodologies adaptées afin de répondre à l’ampleur d’un tel chantier. Au total, 3 372 munitions ont été mises à jour lors des opérations, dont presque 3 000 demeuraient actives. Parmi celles-ci, on retrouve une surreprésentation de grenades (grenades à manche, grenades F1 de 1915, grenades VB…) avec presque 2 500 exemplaires. A cela s’ajoute près de 270 obus de toutes tailles et de tous diamètres (7,7 cm ; 75 mm…). Enfin, on a pu comptabiliser pas moins de 750 kg de cartouches de petit calibre issues des combats. La gestion des munitions encore actives et leur enlèvement ont de fait été confiés au Service de Déminage de la préfecture de Laon.

 

Des méthodologies adaptées pour répondre à l’importante dimension technique et historique du site

 

Pour la première phase de l’opération, le diagnostic de pollution pyrotechnique, les experts de Geomines, en coordination avec les équipes du département de géophysique, ont mobilisé un ensemble d’outils magnétométriques (Gradiomètres Fluxgate multisondes 8 sondes puis 3 sondes) pour identifier plus de 5 000 anomalies présentant un risque de pollution pyrotechnique.

Tiphaine Zitter, à la tête du département Géophysique de Geomines, témoigne : « Au premier abord, un diagnostic comme celui de la parcelle d’Ablaincourt ne présente pas de difficultés particulières. Au contraire, le fait que l’emprise ait été un domaine agricole laisse à penser qu’il y aura peu de zones saturées. Finalement, la mise en évidence d’une croisée de tranchées a contredit cette intuition. Il a fallu faire face à plusieurs difficultés :

  • La densité des anomalies magnétiques, principalement dans les espaces situés entre les deux tranchées, avec des concentrations pouvant atteindre jusqu’à presque 300 anomalies par hectare.
  • La profondeur d’enfouissement des cibles. Une partie des munitions effectivement retrouvées n’était pas détectables lors du diagnostic initial, et ce malgré le décapage végétal préliminaire. Il a donc été nécessaire de procéder à d’autres diagnostics en fonction des différents décapages réalisés par la suite.

Par ailleurs, la densité des cibles à différentes profondeurs a rendu complexe leur identification. Certaines anomalies magnétiques mises au jour se sont révélées être une superposition de cibles (notamment plusieurs obus placés sur un même point à différentes profondeurs), ce qui rend caduque la plupart des approches habituelles de catégorisation.

D’autre part, la spécificité des combats qui ont eu lieu à Ablaincourt a engendré une masse importante de petits éléments ferromagnétiques, dont certains étaient soit trop peu volumineux soit trop enfouis pour être détectés par les capteurs.

                                                                                                           Décapage à la végétale                                                                             

                                                                                                        Relocalisation par GPS

La deuxième phase des opérations, la dépollution pyrotechnique, s’est déroulée sur trois mois, avec un chef de chantier et cinq binômes composés d’un opérateur et aide opérateur

De l’identification et la relocalisation des zones présentant des anomalies, notamment à l’aide de techniques GPS, à la catégorisation des risques et de la mise au jour des anomalies, les équipes de dépollution pyrotechnique ont choisi d’employer un décapage progressif de la zone, afin de mettre à jour en sécurité le plus de vestiges possibles de l’ancienne tranchée de la Première Guerre mondiale dans l’espace saturé.

Antoine Desmants, notre chef des opérations, explique : « Nous avons été confrontés à un terrain d’affrontements de la Première Guerre mondiale où deux tranchées se croisaient. L’existence de ces abris de terres signifiait non seulement la présence d’un grand nombre de munitions tirées et non explosées, des stocks de munitions, mais aussi la présence de nombreux objets ferreux (outils de tranchée, armes, objets personnels et équipement des soldats). Ces fortes concentrations de signatures magnétiques se traduisaient par une saturation des moyens de détection et impliquaient un décapage complet de ces zones.

                                                                                                           Mise au jour des cibles               

                                                                                                               Décapage de tranchée

                                                                                                     Découvertes dans les tranchées                                                                               

                                                                                                  Découverte d’un soldat allemand

Les découvertes les plus importantes furent en outre celle de nombreux ossements humains, dont certains squelettes très complets. Chaque ossement retrouvé a amené nos équipes à signaler l’évènement à la Gendarmerie nationale, et des équipes de l’Office national des Anciens Combattants et Victimes de guerre (ONAC) se sont rendus sur place pour tenter d’identifier les restes humains.

 

            L’ampleur des découvertes exceptionnelles réalisées au cours de ce chantier témoigne non seulement du risque encore bien réel des engins non-explosés en France, mais également de l’importance des missions de dépollution pyrotechnique lors d’opérations de travaux, principalement dans des terrains au lourd passé historique, comme la Somme. L’association entre nos équipes qualifiées sur le terrain, nos experts en géophysique et les nombreux outils innovants mobilisés a permis la sécurisation de ce site.

                                                                         Récupération des munitions par le service de déminage de Laon